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La permaculture est affaire de conception
La principale préoccupation du permaculteur est de créer un système efficient. Par le biais de la conception en permaculture, on va placer ensemble des éléments ayant une interaction bénéfique, appelée synergie. En effet, ce n’est pas tant la maison, la serre, le jardin etc. qui comptent pour eux-mêmes, mais les bénéfices mutuels qu’ils s’apportent. Séparer les différents composants d’un système peut nous faire négliger la richesse de leurs interactions !
Ainsi, l’emplacement de chaque élément dépend des besoins qu’il va satisfaire chez les autres. L’objectif est que les besoins d’un élément soient comblés par la production d’un autre placé à proximité.
Un exemple bien connu est celui des poules mangeant les insectes ayant parasité les premiers fruits tombés à terre, tout en profitant de l’ombre et de cette nourriture que l’arbre leur donne. En plus, les poules font leur besoin dans la zone et chaque élément est nourrit par cette interaction !
Dans un autre registre, on installera les brise-vents autour de la maison pour qu’ils dévient le vent mais en évitant qu’ils fassent de l’ombre sur la maison en hiver. Idem pour la serre et la maison, dont le premier produit de la chaleur pour elle-même et pour la seconde, tout en ajoutant une zone tampon contre le froid. Les exemples ne manquent pas, mais cette organisation suppose de connaître chaque élément qui va composer l’ensemble, grâce à une observation rigoureuse.
Avant les emplacements relatifs : observation et analyse fonctionnelle
L’analyse fonctionnelle1 est un outil permettant de dresser, pour chaque élément, la liste de ses caractéristiques, besoins et produits afin d’identifier les interactions les plus bénéfiques.
Si on fait par exemple l’analyse fonctionnelle de la poule, on va observer :
- Ses caractéristiques innées (dépendant de la variété) : couleur, densité du plumage ; hauteur de vol ; elle gratte la terre, marche et picore ; elle se perche dans les arbres ; elle a une certaine sociabilité ; elle pond plus ou moins d’œufs etc.
- Ses besoins : abri ; eau ; bains de poussière ; endroit protégé où se percher ; bac pour pondre ; nourriture ; compagnie de ses congénères, etc.
- Ses produits : œufs ; viande ; plumes ; duvet ; fumier ; CO2 ; bruits ; chaleur ; méthane.
En faisant cette analyse pour chaque éléments, on va déterminer les synergies possibles. Cela guidera ainsi le choix du lieu le plus adapté pour le poulailler, afin de tendre vers le fonctionnement le plus efficient.
Ces éléments peuvent être les suivants :
- La maison. Les poules vont couvrir certains besoins de celle-ci comme la nourriture, la chaleur avec les plumes ; elles vont aussi consommer la plupart des déchets de la cuisine.
- Le jardin. Les poules fournissent le fumier et mangent les surplus ; la proximité jardin/poulailler facilite et allège le travail.
- La serre. Les poules peuvent lui fournir du méthane pour la germination, du fumier et de la chaleur si on adosse le poulailler à la serre ; elles éliminent la plupart des déchets.
- Le verger. Il fournit des insectes pour l’alimentation des poules qui lui procureront aussi du fumier, etc.
Ainsi, un emplacement judicieux des poules et de leur poulailler contribue à améliorer les services qu’elles vous apporteront, sans énergie supplémentaire.
Les synergies sont partout
Souvent, on croit que la permaculture et sa méthodologie de conception ne s’appliquent qu’au jardin ou à l’agriculture, mais c’est une erreur. En effet, le design (et le principe des emplacements relatifs) s’applique aussi à notre façon de gérer notre quotidien.
Pensons à la maison : par exemple, concevoir, au-dessus de l’évier de la cuisine, un égouttoir qui serve également de rangement de façon à rentabiliser l’espace. Partout où il est d’usage d’optimiser les choses, le principe d’emplacements relatifs peut aider.
Ou bien encore une pièce unique cuisine/salle de bain pour n’avoir qu’un seul point d’eau à installer dans le logement. Les possibilités sont infinies et dépendent de la créativité de chacun.
Gardez en tête que le design en permaculture vise à installer un système qui soit le plus optimal possible. Cette phase reste néanmoins susceptible d’évoluer, c’est-à-dire d’être revue et corrigée en fonction de nouvelles données apportées par d’autres éléments.
Le design est un exercice dynamique et évolutif dans le temps qui inclut de multiples paramètres qui eux-mêmes sont dynamiques et évolutifs, donc par essence le design est infini. C’est un processus qui a un commencement mais pas de fin.
Franck Nathié
Un design permacole est une démarche en quatre temps : conception, réalisation, maintenance et réévaluation. Le principe d’emplacement relatif évoqué ici fait partie des principes de conception et d’attitude chers aux permaculteur (comme par exemple le zonage), mais le fondement du mouvement reste l’éthique qui consiste à prendre soin de la terre, des êtres humains et de créer de l’abondance, en apportant à la nature ce dont elle a besoin de sorte qu’elle puisse combler les nôtres en retour.
- aussi appelée analyse besoin-production [↩]
Merci pour cet article qui m’a beaucoup intéressée. Je vais installer mon composteur plus près du potager …